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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 12:50

Pendant que les "pro" et les "anti" Lyon Turin se déchirent des deux côtés des Alpes, plusieurs organisations ont engagé une réflexion autour d'une simple question : comment réduire la pollution liée aux poids lourds dans nos vallées ?  Par nos vallées, nous entendons celles de l'ensemble de l'arc alpin, puisque la problématique des flux de transport routier ne s'arrête évidemment pas aux frontières, bien au contraire.

 

Le "bon air de la montagne" n'est malheureusement plus une réalité depuis longtemps déjà. Le graphique ci-dessous est tiré du Bilan 2013 des activations de l'arrêté interpréfectoral en cas de pollution atmosphérique en France. Il montre que le dispositif a été activé durant 55 jours dans la Vallée de l'Arve (Bonneville / Chamonix) l'année dernière, soit 15% du temps ! Sur ce total, la zone affiche 30 jours d'alerte, plus que le bassin lyonnais. La plaine des pays de Savoie (zone urbaine Chambéry, Albertville, Annecy) affiche 41 jours d'activation du dispositif, dont 19 d'alerte. En Maurienne et en Tarentaise, le chiffre est également élevé avec 26 activations, comme le bassin lémanique (30 activations).

 

ScreenShot060 

 

L'exemple que nous donnons est évidemment partiel (et partial), mais il illustre à quel point la situation est déjà dégradée. L'évolution historique montre que les efforts accomplis ces dernières années portent leurs fruits, mais l'embellie est d'une lenteur exaspérante, et pourrait même être anéantie en cas de reprise économique.

 

Pour en revenir à notre sujet initial, les chercheurs ont planché sur plusieurs scénarios pour limiter la circulation des poids lourds de transport de marchandise, l'une des principales sources de pollution alpine (mais malheureusement loin d'être la seule) tout en favorisant le transfert sur rail. La solution est prônée depuis des années, mais le manque de volonté politique, les différents lobbys et des caisses  publiques qui sonnent creux font que le transport ferroviaire n'a pas connu l'essor mérité. Pire, il demeure anecdotique dans certaines zones, notamment en France. En 2011, l'observatoire des trafics marchandises transalpins (Alpifret) a calculé que 129,4 millions de tonnes ont été transportées par camion sur l'arc alpin, avec de fortes disparités puisque le transport routier représente 91,6% des volumes en France, contre 66,5% en Autriche et seulement 36,1% en Suisse, où l'option rail est un choix politique clairement assumé. Entre 1999 et 2011, les tonnages ferroviaires ont augmenté de 35 à 40% en Suisse et en Autriche. En France, ils ont chuté de -62,4%. Alpifret explique ce décalage "notamment" par le "manque de compétitivité du secteur ferroviaire en France, en particulier sa capacité à répondre à l'évolution des caractéristiques de la demande". Le tableau ci-dessous (source Alpifret) montre les volumes transportés selon les différents modes, et l'énorme retard de la France sur le rail (l'arc alpin "C" part de Vintimille et va jusqu'à Weschel en Autriche, le "A" du Mont-Cenis au Brenner).

 

Trafic par modes

 

Des spécialistes ont alors cherché un moyen de contrôler l'importance du transit alpin, de favoriser le transfert de la route vers le rail, le tout en proposant une solution économiquement pérenne pour les acteurs du secteur, qui soit acceptable par tous les pays de l'arc alpin.

 

 

La "BTA", qu'est-ce que c'est ?

 

Un système pourrait répondre à tous ces critères : la "Bourse du Transit Alpin". Non, ne partez pas ! Nous sommes loin des "quotas carbone" que beaucoup assimilent à des droits de polluer. Nous ne sommes pas non plus dans un schéma mercantile, du moins pas dans le sens péjoratif que l'on prête à ce terme. C'est l'organisation suisse "Initiative des Alpes" qui est à l'origine de cette proposition, qui fait son chemin auprès des décideurs politiques, puisqu'elle a reçu le soutien du Conseil national et du Conseil des Etats de la confédération. Notre propos du jour est de tenter d'expliquer le fonctionnement de la "BTA", pour que vous vous fassiez une opinion sur son potentiel.

 

Les concepteurs (écologistes) du système le présentent comme un instrument de gestion du trafic lourd. Concrètement, chaque région alpine alloue un certain nombre de droits de transit aux poids lourds, en fixant un plafond strict. Ces droits sont octroyés gratuitement aux entreprises vertueuses qui utilisent le rail, et proposés aux enchères sur un marché dédié, via internet, aux entreprises de transport qui souhaitent faire circuler leurs camions. Les marchandises dépassant le plafond sont obligatoirement transportées par rail. Le mécanisme et ses avantages sont détaillés dans un document synthétique édité par "Initiative des Alpes".

 

ScreenShot063

 

 

Le mécanisme nous paraît digne d'intérêt, d'abord parce qu'il permettrait de fixer des plafonds en matière de transit routier, mais surtout car il pourrait entraîner un cercle vertueux en faveur du rail en général et du transport combiné en particulier, un domaine où la France (mais aussi l'Italie) a accumulé un retard incompréhensible par rapport à ses voisins alpins.

 

En janvier, une étude commandée par l'eurorégion Tyrol - Haut Adige – Trentin à l'Université de Fribourg a conclu que la Bourse du Transit Alpin est compatible avec le droit européen. "Si l'objectif à atteindre est un report effectif du trafic de marchandises transalpin sur les rails et donc une réduction réelle des nuisances environnementales dans les régions concernées, alors il n'existe sans doute aucune alternative qui soit aussi efficace qu'une bourse du transit alpin", a même ajouté la directrice de l'Institut de droit européen de l'Université de Fribourg, Astrid Epiney. Le projet est donc officiellement appuyé par l'eurorégion, mais aussi par la CIPRA, la Commission Internationale pour la Protection des Alpes. Le Val d'Aoste, la Province de Bolzano, le Piémont, le Frioul-Vénétie-Julienne, le Tessin, la Conférence des gouvernements de Suisse Centrale, le Tyrol et la région Rhône-Alpes, réunis au sein de la structure "iMONITRAF" ont confirmé leur intérêt pour le dispositif, mais la prise de décision reste désespérément lente, contrairement à la dégradation de l'écosystème alpin.

 

Note : les illustrations sont tirées du manifeste "Initiative des Alpes", du rapport annuel Alpifret et du Bilan 2013 de l'arrêté interpréfectoral en cas de pollution atmosphérique. 

 

 

 

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